Article paru dans psychologies.com
Culturellement, nous sommes véritablement très éloignés des us et coutumes de certains pays d’Asie pour qui le port du masque est une habitude permettant, entre autre, de protéger autrui si on est soi-même malade. Mais voilà, en Occident, au-delà du caractère inconfortable de cette protection que nous découvrons pour beaucoup et que certains se fabriquent parfois par obligation, parfois comme pour en "humaniser" l’aspect, le masque vient chambouler notre vie, en profondeur.
Le masque, nouvel élément indispensable à nos vies.
En quelques semaines, le Covid-19 nous a obligés à découvrir de nouveaux termes parfois techniques mais qui sont en train de devenir indispensables pour notre présent et notre devenir. Nous sommes devenus tous très bien informés sur les masques chirurgicaux, FFP1, FFP2, FFP3 : sur les tutoriels pour fabriquer des masques en plusieurs couches, en tissu ; mais aussi sur la façon de les laver, les faire sécher, les repasser, afin de pouvoir les remettre, en toute sécurité.
Si certains pays asiatiques sont férus de masques c’est bien sûr pour éviter toute contagiosité et protéger les autres mais aussi parce que ce sont souvent des pays très pollués et que chacun tente de se protéger des fines particules si nombreuses dans l’atmosphère. Il n’est donc pas associé à une situation particulière mais intégré au quotidien de chacun, depuis longtemps.
En Occident, le masque était jusque-là associé au monde médical et à certains métiers notamment dans l’artisanat, les travaux publics… Et puis le Covid-19 est arrivé, il a bouleversé bon nombre de nos repères, nous a plongés dans le doute, l’incertitude, la peur aussi pour nos vies. Après de nombreux égarements, hésitations, en découvrant aussi la gravité de ce virus, nous en sommes arrivés à devoir porter dès à présent des masques pour toutes nos activités extérieures. Pas facile d’inclure un tel outil d’autant plus qu’il nous est nouvellement recommandé dans une période difficile et pour lutter contre un ennemi invisible et à la mortalité réelle bien que modérée. C’est donc dans ce contexte inquiétant, tumultueux, déstabilisant que nous devons apprendre à faire alliance avec ce bout de rien qui représente tout. Le masque vient concrétiser la crainte générale de la violence de cette pandémie et de son ampleur. Il nous rappelle aussi qu’il peut nous protéger si nous le mettons et si nous respectons les mesures de sécurité de distanciation... Il nous fait craindre aussi pour la vie de nos proches, de ceux que nous aimons, dont nous sommes parfois hélas séparés depuis plusieurs semaines du fait du confinement.
Les soignants, le personnel d’entretien, les ambulanciers, les personnels en cuisine, ceux qui permettent d’assurer toute la chaine alimentaire, la gestion aussi des déchets dans les hôpitaux, les cliniques, les Ehpad, maisons de retraite mais aussi les différents instituts médicaux… Tous suivent déjà, depuis plusieurs semaines, des procédures et protocoles strictes mais nécessaires afin de se protéger eux-même et les personnes malades. Il leur a fallu s’adapter tant dans leur façon de travailler, leur rythme de travail, les techniques de soins etc.. tout en supportant des masques pas toujours adaptés, des sur-blouses parfois manquantes, des gants, des lunettes quand il y en avait… Ils sont au cœur de la pandémie et parfaitement conscients que ces protections sont indispensables pour éviter la maladie. D’ailleurs certains en ont manqué et l’ont payé de leur vie.
Pour le grand public, il a fallu découvrir d’abord la distanciation, le confinement, le gel hydro-alcoolique, les gants parfois, adopter les réflexes de nettoyage des mains, d’éviter de se toucher le visage, tenter de trouver des masques bien trop rares. De ces objets jusque-là mal connus et peu usités, qui viennent prendre une place prépondérante dans notre quotidien. "Réaction-adaptation" répétait souvent Darwin. On est sûrement en train de devoir s’adapter à cette situation exceptionnelle, inédite et qui dure.
Ce que le masque modifie dans nos interactions présentes et à venir.
C’est notre mode de vie qui a été entièrement modifié par ce virus qui nous oblige à être attentifs à tout ce que nous faisons dehors, comment, pourquoi. Nous devons nous protéger contre le Covid-19 et le masque est en passe de devenir un élément indispensable de ce combat. Pour ceux qui travaillent, il faut réinventer sa façon de travailler, de rentrer en contact avec les clients, de se protéger du risque tout en protégeant l’autre dont on a aussi peur puisque le danger peut passer par lui. L’Autre, dont nous étions souvent heureux de découvrir qui il était, avant, et qui est devenu le porteur potentiel d’un virus qui peut être mortel. De quoi changer notre rapport à l’autre, aux autres, de quoi générer du stress, des angoisses, un temps nécessaire pour revoir notre façon d’entrer en relation avec les autres. Et le masque, encore si difficile à trouver, devient le Graal à chercher, son obtention devient essentielle et la difficulté pour en trouver génère un stress évident et bien logique puisqu’il fait partie de nos armes pour combattre le virus, il en devient même l’arme principale. Il devient indispensable pour chacun de s’en procurer, d’autant plus que le déconfinement approche et angoisse aussi chacun.
Du coup, les tutoriels pullulent sur les réseaux sociaux pour se fabriquer son masque, certains plus préoccupés de le confectionner pour qu’il ait une véritable utilité et d’autres ayant choisi l’option de personnaliser leur masque, d’en faire un élément de déco, d’embellissement comme pour mieux masquer les peurs. Le manque de masques homologués n’est pas comblé par la courageuse fabrication de ces masques maisons, chacun étant bien conscient que leur indice de protection est minime, ce qui génère aussi une certaine inquiétude. Et c’est pour cela qu’il est urgent de pouvoir mettre à disposition de chacun des masques véritablement protecteurs.
Ce fameux masque devient un des "must" de chacune de nos sorties. Outre le sac à main, nos clefs, notre téléphone et notre carte bleue, le masque vient prendre la place du rouge à lèvre et devient un des indispensables de notre quotidien. Il nous rappelle à chaque instant que la pandémie est toujours là, pas moyen d’y échapper, pas si simple, angoissant parfois. Il nous prive de notre légèreté, de notre insouciance passée, du temps d’avant. Il nous oblige à penser au danger, à nous en protéger, à maintenir des relations distanciées. Il limite nos expressions de visage qui sont tellement importantes dans les relations aux autres, il nous prive du contact direct, du toucher. Il modifie notre façon d’exprimer ce que nous avons à dire, à partager, nous oblige à employer plus de mots pour remplacer ce que notre visage exprimait de lui-même. Il renforce aussi la primauté du regard, de ce que nous pouvons partager rien qu’en nous regardant. Cela modifie les codes de communication, là encore à réinventer. Et plus que tout, il peut nous sauver la vie.
Certains vont s’adapter assez facilement à ces nouvelles contraintes, pour d’autres ce sera plus difficile. Certains pouvant être submergés par l’angoisse que vient raviver le masque avec cette sensation de respirer moins bien, d’étouffer renforçant une angoisse de mort déjà présente. Ce que symbolise aussi peut-être ce masque c’est cette transition nécessaire entre notre vie d’avant et notre vie d’après, sans doute différente, pour certains plus douloureuse, pour d’autres plus heureuse car plus centrée sur ce qui est essentiel. Il est en tout cas notre plus sûre barrière contre le Covid-19 et notre meilleure arme, en attendant un traitement, un vaccin, pour gagner cette guerre.