Article paru dans le site psychologies.com.
Statuts sur Facebook, commentaires sur Twitter, photos sur Instagram… Comment accompagner ses enfants sur les réseaux sociaux ? Devenir « ami » avec eux peut se faire en un clic. Mais est-ce une bonne idée ? Quelle distance garder ?
"Je ne sais pas si je peux demander à mon fils de 16 ans d’être son "amie". À la maison, nous sommes plutôt complices, mais face à ses copains, je ne suis pas certaine qu’il veuille se montrer trop proche de moi", se demande Virginie 38 ans. "Je ne veux pas non plus qu’il ait l’impression que j’essaye de le surveiller…" Parents et enfants, amis 2.0 ? "Ce principe est tout à fait envisageable", selon le psychothérapeute Jean-Charles Nayebi. Il est essentiel de "dispenser une bonne éducation numérique aux enfants et surveiller de temps à autre ce qu’ils font sur le Web". Surtout face à la facilité d’accès à la vie privée sur Internet. Les consignes évoluent cependant en fonction de l’âge. Elles ne peuvent pas être les mêmes pour un enfant, un adolescent ou un jeune adulte.
De 10 à 14 ans : accompagner.
Si l’ensemble des réseaux sociaux instaure un âge minimum de 13 ans pour s’inscrire, il n’est pas toujours obligatoire de communiquer sa date de naissance. Un enfant peut donc y avoir accès. Est-il préférable de l’aider à créer son profil et de garder les codes d’accès pour gérer ses connexions ? Pas nécessairement, selon Jean-Charles Nayebi. Il s’agit surtout d’accompagner et surveiller de loin l’adolescent, jusqu’à ses 14 ans. Lui expliquer que malgré leur aspect ludique et convivial, les réseaux sociaux peuvent présenter des dangers tels que le cyber harcèlement ou la possibilité de mauvaises rencontres. Et "lui rappeler aussi de faire attention à ne pas dénigrer ses professeurs ou répandre des rumeurs sur ses camarades par exemple", note le psychothérapeute.
Sans oublier que de nombreuses pages "fan" aux contenus inadaptés, par exemple de pornographie, existent sur les réseaux sociaux. Être ami avec son enfant peut donc permettre de repérer certaines de ses activités. S’il commente une publication ou s’abonne à un groupe inapproprié pour son âge.
De 14 à 18 ans : observer.
Selon le psychothérapeute Jean-Charles Nayebi, la surveillance parentale doit diminuer lorsque l’enfant grandit car "il devient de plus en plus apte à exercer un jugement propre". Catherine ne veut rien savoir des activités internet de son adolescente de 15 ans. " C’est son petit monde. C’est elle qui gère, en acceptant ou non que tout le monde ait accès à ses données. Mais j’y jette un coup d’oeil de temps en temps. De façon générale, elle préfère préserver son intimité en ne postant pas de choses trop personnelles." De son côté, Aurélie, 17 ans, n’est pas prête à accepter sa mère sur les réseaux sociaux. "Je sais qu’elle est plutôt parano. Je n’imagine même pas l’avoir en amie sur Facebook ou sur Instagram. Elle serait au courant de toutes mes sorties et verrait mes délires avec mes copines, ou même avec des garçons. Elle me ferait des remarques sur tout. En fait, je n’aurais aucune vie privée !"
Entre sorties et vie amoureuse, l’adolescent va commencer à faire ses propres expériences. En étant "ami" avec lui, les parents peuvent notamment voir les photos de soirées ou de couple, et les commentaires grossiers ou obscènes. Faut-il alors réagir - sur le réseau social ou en face à face - à ces différentes publications ? "Il est possible de les commenter, en adoptant un discours adapté à l’image social du jeune. Il n’est pas recommandé de jouer "papa" ou "maman" sur les réseaux. Et surtout, il faut rester à l’écart de la vie amoureuse ou intime de ses enfants en public."
Après 18 ans : laisser faire.
Isabelle, dont la fille aînée a 19 ans, part du principe qu’elle n’est pas amie avec sa fille dans la vraie vie et n’a donc pas à l’être sur les réseaux sociaux. "Ce serait comme lire son journal intime, aller avec elle en soirée ou qu’elle me raconte tout sur sa vie. En revanche, elle a laissé plusieurs fois son compte connecté sur ma tablette et j’ai regardé. J’ai vu des photos de bouteilles d’alcool. Mais est-ce grave pour une adolescente ?" Ayant refusé la demande d’ajout de sa propre mère, Isabelle ne se voit pas accepter celle d’une de ses filles non plus. Sauf cas particulier. "L’année prochaine, elle part à l’étranger, donc ça pourrait être bien pour voir ce qu’elle fait vu qu’elle sera loin et occupée. Et même si c’est en accès limité." En effet, Facebook permet par exemple d’autoriser ou non certaines personnes à avoir accès à ses différentes publications. Une façon de pouvoir être ami avec de nombreuses personnes tout en gardant une certaine vie privée.
Devenir ami ou être suivi par ses parents sur les réseaux sociaux peut conduire l’enfant à s’autocensurer, de peur de faire face à leur désapprobation. Ce qui peut être salutaire selon Jean-Charles Nayebi. "Il ne faut pas oublier que les réseaux sociaux relèvent de la place publique et non de la sphère privée. Les enfants encadrés par leurs parents ont moins de risque de désagréments que les autres." Avec ou sans accès au profil de son enfant, il est surtout important de rappeler qu’Internet n’oublie jamais, tout peut se retrouver. Et que lors d’une recherche de stage ou d’emploi, il serait préférable que l’employeur ne découvre pas de photos de soirées trop arrosées ou autres publications peu flatteuses.
Qui fait la demande ?
Depuis des années, Martine est amie sur Facebook avec ses trois enfants (17, 19 et 21 ans) et même leurs petits-amis. "Ils ont tout de suite accepté mes demandes. Je pense qu’ils ont eu un peu pitié de moi car je n’avais même pas une dizaine de contacts. Parfois je me permets de commenter leurs photos pour leur dire qu’ils sont beaux ou de bien profiter de l’endroit où ils sont. Ils ne m’ont jamais dit avoir honte de mes commentaires."
La peur du rejet peut bloquer les parents et celle de regretter d’avoir dit oui peut refroidir les enfants. À qui de faire le premier pas ? Pour Jean-Charles Nayebi, peu importe de qui vient la demande d’ajout. "Le fait d’être "ami" de son enfant ne fait pas sauter la barrière générationnelle. Dans les familles où tout se passe bien, on ne se pose même pas la question. Les jeunes ayant des parents intrusifs finissent par créer un autre profil où ils échangent avec leur entourage non familial."
Demander, accepter ou refuser, tout en gardant en tête que la vie privée de l’enfant, mais aussi celle du parent, doit bel et bien rester privée. Sans que l’un ou l’autre n’intervienne de façon trop fréquente et intrusive sur les réseaux sociaux.