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Homéopathie, une pratique controversée en quatre points.

Article paru dans sciences et avenir en février 2019.

Utilisée par des millions de Français alors qu'elle n'est pas prouvée scientifiquement, l'homéopathie est la plus populaire des "médecines douces". Et aussi l'une des plus polémiques.

 

Seule classe de médicaments à être remboursée sans avoir à faire la preuve de son efficacité, l'homéopathie pourrait voir son statut remis en cause en France, au printemps 2019, par la Haute autorité de santé (HAS). L'organisme a été saisi par le ministère de la Santé pour évaluer le "bien-fondé (...) du remboursement des médicaments homéopathiques" dans un avis qui devra tenir compte de "l'efficacité" de ces remèdes. Plus de la moitié des Français (58%) a déjà utilisé "plusieurs fois" des produits homéopathiques, selon un sondage Ipsos réalisé en octobre 2018 pour le compte de trois laboratoires homéopathiques. D'après Boiron, leader français du secteur, 20.000 des 100.000 généralistes de l'hexagone prescrivent régulièrement des granules homéopathiques.

Rappel des principes, usages et critiques qui entourent cette pratique :

 

Principes théoriques de l'homéopathie :

L'homéopathie est née à la fin du 18ème siècle des expérimentations du médecin allemand Samuel Hahnemann. Cette méthode thérapeutique repose sur trois principes :

 

La similitude ("homéo" signifie "même" en grec) consiste à soigner avec des substances végétales, minérales ou animales qui provoquent des symptômes semblables à la maladie. 

 

Les doses infinitésimales : les substances sont diluées pour qu'elles ne soient plus toxiques. Des dilutions à 1% sont répétées plusieurs fois. Ainsi la mention "9 CH" sur un tube signifie que les dilutions à 1% ont été pratiquées neuf fois, ce qui équivaut à diluer un mètre cube d'eau dans le volume total des océans du globe. 

 

L'individualisation : l'homéopathie prétend considérer le patient dans son ensemble et ne se focalise pas sur les seuls symptômes.

 

Le poids de l'homéopathie sur la sécurité sociale et l'emploi :

L'homéopathie pèse peu dans les dépenses de Sécurité sociale : 56,4 millions d'euros de remèdes homéopathiques remboursés (à hauteur de 30%) en 2018 sur 19.598 milliards de médicaments remboursés, soit 0,3% du total (chiffres de l'Assurance maladie, hors remboursements des "préparations magistrales" faites en pharmacie, chiffrés pour l'homéopathie à un peu plus de 70 millions d'euros par an).

 

En revanche, pour l'économie française, l'homéopathie est un secteur non négligeable avec 3.200 emplois directs et un leader mondial basé à Lyon, Boiron. Selon le Syndicat national des médecins homéopathes français (Snmhf), 5.000 médecins homéopathes exerçaient dans le pays en 2016.

 

Un statut variable d'un pays à l'autre :

Les autorisations de mises sur le marché pour l'homéopathie ne répondent pas aux mêmes exigences que pour les médicaments classiques : pas besoin de fournir de données sur l'efficacité du produit. Mais ils doivent être suffisamment dilués pour garantir leur "innocuité". L'homéopathie n'est pas reconnue comme une véritable spécialité médicale en France. Mais des facultés proposent aux futurs médecins ou professionnels de santé des formations validées par des "diplômes universitaires". 

 

Ailleurs en Europe, le statut de l'homéopathie varie grandement : très pratiquée et remboursée en Allemagne, l'homéopathie est pratiquement absente du NHS, le système public de santé britannique, qui a recommandé en 2017 à ses médecins de cesser de la prescrire. Peu répandue et en perte de vitesse en Espagne, l'homéopathie est critiquée par Madrid qui voudrait que Bruxelles impose les mêmes preuves d'efficacité pour autoriser les granules au niveau européen que pour les médicaments classiques.

 

Des critiques de plus en plus vives :

En France, les prises de position de médecins contre l'homéopathie se sont multipliées ces derniers mois. Dernière en date, le Collège national des généralistes enseignants (CNGE) a appelé en janvier 2019 à l'arrêt du remboursement de l'homéopathie qualifiée de "méthode ésotérique". L'association des Académies des sciences européennes (EASAC) a estimé en septembre 2017 qu'il n'existait "aucune preuve, scientifiquement établie et reproductible, de l'efficacité des produits homéopathiques, même s'il y a parfois un effet placebo. "L'homéopathie peut même "avoir un effet nocif en retardant la consultation d'un médecin", selon EASAC.

 

De son côté, l'ancien responsable des autorisations de mise sur le marché à l'Agence française du médicament, le professeur Jean-François Bergmann, reconnaît à cette discipline l'efficacité d'un placebo magnifié par la confiance du patient en son médecin homéopathe. Ce chef de service à l'hôpital Lariboisière (Paris) "n'accorde pas la moindre propriété pharmacologique à l'homéopathie", mais estime qu'il ne serait "pas rationnel de ne pas prendre en compte l'irrationnel chez l'homme".