Le profilage des candidats

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Chacun d’entre vous connait la série intitulée « Profilage » mettant en scène la criminologue Chloé Saint-Laurent. Pourrait-on imaginer une série identique qui concernerait cette fois, non pas de dangereux criminels, mais des hommes politiques ? Une série où il serait question d’établir un profil psychologique des candidats afin de se faire une idée plus précise de leur personnalité. Bien qu’il ne soit pas (encore) l’objet d’une série télévisée, ce profilage politique existe depuis longtemps.

 

Durant la seconde guerre mondiale, les services secrets américains furent ainsi chargés d’établir un profil psychologique d’Hitler afin de mieux cerner le personnage. Il fut ainsi établi qu’Hitler avait une personnalité à tendance paranoïaque, et qu’il était très sensible à la flatterie (trait de personnalité qui concerne nombre de dirigeants - cf. l’article précédent sur le syndrome d’Hubris). Ce constat les amena à faire courir le bruit qu’en cas de capture, il serait exilé sur l’ile de Sainte-Hélène comme le fut avant lui l’un de ses modèles, Napoléon Bonaparte. Ce stratagème était destiné à empêcher Hitler de se donner la mort (les autorités souhaitaient ainsi pouvoir instruire son procès en sa présence afin de mieux comprendre ses motivations). On sait maintenant que ces études n’eurent pas la valeur prédictive qu’on avait espéré, sans doute car les techniques d’investigation n’étaient pas aussi poussées qu’aujourd’hui.
Au cours des dernières décennies, la personnalité de certains hommes politiques fut étudiée par le menu. Staline, Kroutchev, Reagan et bien d’autres firent l’objet d’analyses minutieuses pour tenter de cerner leur personnalité. Plus près de nous, il en fut de même pour des hommes politiques français, notamment l’un d’entre eux dont la personnalité a souvent intrigué : il s’agit de Nicolas Sarkozy. Souvent brocardée (en particulier par les humoristes), la personnalité de N. Sarkozy ne laisse pas indifférent. On la résume souvent à des « tics » comportementaux (entre autres, le haussement des épaules) ou des « sorties » langagières quelque peu cavalières (« Casse-toi, pauvre con ! »). Une analyse plus approfondie livre cependant une personnalité nettement plus complexe.
Il existe différents outils pour évaluer la personnalité : certains s’appuient sur cinq dimensions principales (le Big Five), d’autres sur neuf, d’autres encore sur douze (l’inventaire de Millon). Ce dernier étudie la personnalité selon 12 axes principaux, parmi lesquels l’extraversion, la tendance à la domination, l’ambition, l’intrépidité, la méfiance ou encore l’instabilité émotionnelle. De manière générale, la personnalité qui exerce des hautes fonctions en politique est une personne extravertie, ambitieuse, qui aime dominer, souvent intrépide et méfiante. A ce propos, il est intéressant de noter que les femmes en politique ont tendance à renforcer ces traits de personnalité, sans doute pour gommer les stéréotypies liées au sexe (une femme sera plus facilement perçue comme une personne douce, indécise, parfois faible - ne parle-t-on pas de sexe « faible »).
Comme de nombreux dirigeants politiques, N. Sarkozy se caractérise par une personnalité ambitieuse et dominante. Selon l’inventaire de Millon, il obtient par ailleurs de faibles scores aux échelles qui mesurent l’humilité, la modestie, la sobriété (comportementale), la retenue, la prudence. C’est un combatif, un fonceur, mais il ne se précipité pas tête baissée. Il est méticuleux, discipliné, organisé, parfois jusqu’à la rigidité. Son score le plus élevé se situe sur l’axe 3 destiné à mesurer l’extraversion, la sociabilité, la théâtralisation ainsi que l’histrionisme (catégorie clinique qui désigne une personnalité caractérisée par une hyperémotivité ainsi qu’une tendance excessive à la dramatisation et au théâtralisme). En outre, il a du mal à pratiquer l’auto-dérision : son axe 2 montre que c’est quelqu’un qui a du mal à avoir confiance en lui, qu’il doit pratiquer, pour se sentir apaisé, ce que les psychologues nomment le narcissisme compensatoire (le narcissique compensatoire exagère les qualités de sa personne afin de compenser une anxiété sous-jacente). Corollaire de ce narcissisme compensatoire: il pratique volontiers une sorte de rumination intérieure qui traduit chez lui un niveau élevé d’exigence avec lui-même (« je dois être le meilleur »; « pour me sentir bien, j’ai besoin qu’on m’aime »; « je dois être un personnage hors du commun »; « j’ai besoin de me sentir utile »; etc.).
Face à ses adversaires politiques, la personnalité de Sarkosy peut s’avérer être dévastatrice (cf. le débat entre lui et Ségolène Royal avant le 2ème tour des présidentielles de 2007 où Sarkozy réussit à faire perdre son sang-froid à son adversaire) ou bien sans effet sur son interlocuteur. À ce propos, souvenons-nous du débat télévisé qui l’opposa à François Hollande avant l’élection de 2012. Lors de la rencontre entre les deux candidats, les assauts répétés de Sarkozy n’eurent aucun effet sur son adversaire politique. François Hollande a-t-il eu recours à un « profileur » (à moins qu’il ne soit lui-même un profileur averti) pour analyser la personnalité de Sarkosy ? En tout cas, il sut éviter le piège tendu par Sarkosy en dénonçant la tendance de ce dernier à se présenter comme une victime, ce qui réduisit à néant la stratégie de déstabilisation de ce dernier. Côté Sarkozy en revanche, on n’avait sans doute pas bien analysé la personnalité profonde de F. Hollande (et notamment cette capacité à opposer un flegme olympien aux attaques incessantes de son adversaire), ne sachant lui opposer qu’un vil mépris qui n’a pas suffi à déstabiliser le candidat de la gauche.
S’agissant cette fois de l’élection de 2017, il va sans dire que Sarkozy a dû ravaler son orgueil pour se plier aux exigences d’une primaire de la droite qui, de surcroit, a eu pour effet de lui ravir le premier rôle. La pilule fut sans doute dure à avaler ! A l’heure où nous écrivons cet article, la droite est dans la tourmente avec l’affaire Fillon. Sarkozy peut-il devenir le providentiel plan B ? Il est trop tôt pour le dire. Mais dans l’hypothèse où Fillon serait empêché de se présenter, il n’est pas idiot de penser que Sarkozy reste à l’affût. Car même désavoué par une majorité des électeurs de droite, il pourrait bien nous réserver des surprises : sa personnalité profonde (une personne qui n’abandonne jamais) ne peut le tenir éloigné de la scène politique très longtemps. De là à s’ériger en sauveur de la France…

 

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